Autre(s)pARTs

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octobre 2003

 

 

 

RŽflexions pour un rŽfŽrentiel

d'Žvaluation qualitative des pratiques et

Espaces / projets artistiques pluridisciplinaires

visant ˆ une autre relation ˆ l'art et aux populations

 

 

Les pratiques culturelles et artistiques qui Žtablissent aujourd'hui de nouvelles relations entre l'art et les populations ont besoin d'tre rendues plus visibles et mieux reconnues. Au-delˆ de la rŽelle singularitŽ de chacune de ces expŽriences, disposer d'un rŽfŽrentiel commun d'Žvaluation, apprŽhendable par l'ensemble de leurs partenaires, peut alors devenir une aide prŽcieuse. Dans cette voie, Autre(s)pARTs propose d'Žvaluer chaque cas particulier comme actualisation et combinatoire - en effet trs spŽcifique - d'un ensemble de traits qualitatifs plus gŽnŽraux.

 

La nature caractŽrisante et multiple de ces traits permet dŽjˆ une Žvaluation croisŽe, qualitative et discriminante, des pratiques concernŽes, en termes tant de dynamique propre que de participation ˆ des enjeux d'intŽrt gŽnŽral. Si une partie de ces traits peuvent tre "consolidŽs" ˆ partir de donnŽes quantifiŽes ou d'indicateurs plus formalisŽs, reste que c'est la cohŽsion qualitative et spŽcifique d'ensemble qui doit rester le critre central d'apprŽciation.

 

Ce rŽfŽrentiel qualitatif est construit sur la base de la situation franaise du dŽbut des annŽes 2000. Il est donc lui-mme ˆ Žvaluer, complŽter, amender, au fil des Žvolutions et dŽbats publics se faisant jour. ElaborŽ par croisement de diffŽrents repŽrages et Žtudes antŽrieurs, sa pertinence dŽborde largement les situations reprŽsentŽes au sein d'Autre(s)pARTs, mme s'il est tout particulirement adaptŽ ˆ ces cas particuliers.

 

Ce document propose donc : un prŽambule resituant le contexte administratif et politique dans lequel nous Žvoluons ; un dŽtail des principes et caractŽristiques de ces nouveaux Espaces / projets artistiques pluridisciplinaires, base pour un rŽfŽrentiel pertinent d'Žvaluation ; une conclusion, proposant quelques complŽments d'analyse et de proposition pour lĠintervention publique dans ce domaine.

1/ PRƒAMBULE

 

Les Espaces / projets artistiques pluridisciplinaires et le service public de la culture

 

Les Espaces / projets artistiques pluridisciplinaires[1], comme d'autres avant elles, dŽfendent un choix de sociŽtŽ o le "droit ˆ la culture", comme il existe un droit ˆ l'instruction ou ˆ la santŽ, doit tre assurŽ par la puissance publique.

 

Le service public culturel, reconnu aujourd'hui de faon incontestable, s'appuie sur un encadrement normatif qui lŽgitime et fonde l'intervention des pouvoirs publics en matire culturelle et artistique :

-              le prŽambule de la constitution de 1946, repris par celle de 1958, qui garantit l'Žgal accs ˆ la culture" ;

-              le dŽcret relatif aux attributions (initiales) du ministre chargŽ de la culture du 24 juillet 1959 ;

-              les lois de dŽcentralisation de 1982 et 1983 ;

-              le traitŽ de Maastricht du 7 fŽvrier 1992 ;

-              la loi d'orientation pour l'amŽnagement et le dŽveloppement durable du territoire du 25 juin 1999

-              la loi relative au renforcement et ˆ la simplification de la coopŽration intercommunale du 12 juillet 1999.

 

Le service public de la culture dŽfendu par nos Espaces / projets est lŽgitimŽ par la Charte des missions de services publics pour le spectacle (octobre 1998), puisque le Ministre de la Culture les a inscrites parmi les personnes de droit privŽ ˆ qui il confie des missions de service public : "certains lieux de fabrication et de production de spectacles vivants".

 

Depuis 10 ans, plusieurs ministres de la Culture s'intŽressent aux Espaces / projets artistiques pluridisciplinaires

 

En 1993, une prioritŽ de M. Toubon, ministre de la Culture, fut d'intŽgrer la politique culturelle dans le cadre de l'amŽnagement du territoire. La cohŽrence de l'ensemble se fondait sur l'idŽe d'un nŽcessaire schŽma d'organisation de l'espace intŽgrant un service public culturel de proximitŽ s'appuyant sur des Žquipements pluridisciplinaires. (L'ƒchangeur de Fre-en-Tardenois figurait parmi les 122 projets d'Žquipements de proximitŽ prŽsentŽs en comitŽ interministŽriel d'amŽnagement du territoire le 20 septembre 1994.)

 

En mai 1999, Mme Trautmann, Ministre de la Culture, annonce une rŽflexion en ce qui concerne "les nouveaux lieux et les nouvelles approches qu'ils autorisent, de la friche industrielle aux zones rurales, du centre multimŽdia au lieu de fabrication". (La mme annŽe, Culture Commune devient Scne Nationale.)

 

En 2002, aprs le rapport commandŽ par M. Duffour, secrŽtaire d'ƒtat au Patrimoine et ˆ la DŽcentralisation Culturelle, des mesures nouvelles ont ŽtŽ spŽcifiquement inscrites au budget du ministre de la Culture en faveur de la coordination des Espaces / projets artistiques pluridisciplinaires et ont ŽtŽ confortŽes par des mesures dŽcidŽes en ComitŽ InterministŽriel ˆ la Ville pour soutenir les rŽsidences d'artistes, les friches et les "nouveaux lieux culturels" dans les sites bŽnŽficiant de contrats de villes.

 

Quel avenir ?

 

Dans sa confŽrence de presse du 26 mai 2003, M. Aillagon, ministre de la Culture, a exposŽ ce que serait l'action territoriale de son ministre et a dŽnoncŽ "les dŽsŽquilibres criants dans l'amŽnagement du territoire". Les objectifs affichŽs "de parvenir ˆ une plus grande ŽgalitŽ dans l'accs aux lieux de crŽation et de diffusion sur l'ensemble du territoire" et "d'encourager les expressions les plus diverses de la culture contemporaine" rejoignent les prŽoccupations que nous avons tous au sein de nos Espaces / projets.

 

La multiplication des Espaces / projets artistiques pluridisciplinaires est contemporaine du renouvellement des pratiques artistiques. Celles-ci ont su trouver leur place dans nos espaces qui, ouverts ˆ la pluridisciplinaritŽ, favorisent l'interdisciplinaritŽ. Nous y accueillons le rock, la techno, les arts de la rue , la danse contemporaine, le nouveau cirque, les marionnettes, les atypiques / inclassables, le thŽ‰tre contemporain, la scne qui croise les arts plastiques, la vidŽo, le multimediaÉ

 

Une "refondation des rŽseaux du spectacle vivant" ne nous semble pas pouvoir se faire sans y intŽgrer la place des Espaces / projets artistiques pluridisciplinaires dans un nouveau schŽma d'amŽnagement culturel du territoire. Depuis longtemps dŽjˆ, nous inventons des lieux de vie et de convivialitŽ, nous ouvrons les studios ˆ une population de proximitŽ parfois associŽe au processus de crŽation, et nous (re)crŽons du lien social dans des territoires dŽshŽritŽs (quartiers urbains pŽriphŽriques et communes rurales).

 

 

 


2/ ElŽments pour un rŽfŽrentiel d'Žvaluation de nos Espaces / projets artistiques pluridisciplinaires

 

a) Contextes et positions

 

Constatant :

 

-  lĠoubli, voire le reniement de lĠexpŽrience sensible dans un monde de plus en plus rationnel ;

 

- lĠŽchec dĠun demi-sicle dĠune politique de dŽmocratisation culturelle qui nĠa pas su permettre au plus grand nombre lĠaccs aux Ïuvres disponibles et aux Žquipements artistiques, qui se sont pourtant multipliŽs ;

 

- la pression uniformisante de la mondialisation dĠun c™tŽ, la rŽgression identitaire sur les mythologies rŽgionalistes, ethniques et religieuses de lĠautre ;

 

- la rupture des liens relationnels, intimes, mais aussi sociaux, dans une sociŽtŽ qui semble constamment s'individualiser et se dŽliter en particulier autour du rŽfŽrentiel obsessionnel de l'Žchange marchand ;

 

- le dŽveloppement gŽnŽralisŽ de l'organisation par projet, de l'accroissement qualitatif et quantitatif de la flexibilitŽ du travail et de l'emploi, de la diffŽrenciation accrue des activitŽs en particulier professionnelles, ŽlŽments qui sont dŽsormais des normes de nos sociŽtŽs de l'innovation et de la rŽactivitŽ, et non de simples particularitŽs des milieux artistiques ;

 

- la montŽe en puissance, puis la dominance socio-Žconomique et idŽologique des industries culturelles, qui ont introduit un nouveau type de rapport dŽmocratisŽ entre art et populations ;

 

- l'extension exponentielle et non rŽgulŽe des inŽgalitŽs des marchŽs contemporains de la rŽputation, o, ˆ partir de diffŽrences peu flagrantes de compŽtence et de qualitŽ, un petit nombre cumule une part toujours plus grande des valeurs (dont monŽtaires et de notoriŽtŽ) disponibles ;

 

- les comportements culturels du plus grand nombre qui sont dŽsormais des assemblages complexes et tout ˆ fait inŽdits entre, d'une part l'utilisation de biens artistiques culturels industriels, d'autre part la recherche de relations interhumaines plus directes et sensible.

 

Il nous semble urgent :

 

- de rŽaffirmer la valeur de lĠart, non pas lĠart en tant quĠÏuvre figŽe et dŽfinitive, mais lĠart en tant quĠŽlaboration dĠune parole et dĠune relation sensibles, contemporaine et critique, lĠart agissant ;

 

- dĠŽtendre le droit ˆ la culture ˆ un plus grand nombre de citoyens, en les rendant plus agents de leur propre dŽveloppement culturel ; passer donc de la ÒdŽmocratisation culturelleÓ ˆ une rŽelle ÒdŽmocratie culturelleÓ ;

 

- d'attacher la plus grande importance ˆ la relation entre pratique sociale et activitŽs artistiques. 

 

A cet effet, nous proposons aux artistes des cadres et des modes de travail renouvelŽs, non pour les contraindre, mais au contraire pour leur permettre une plus grande libertŽ. Ainsi, il nĠest pas question de fixer des modles de relation avec les artistes mais bien de rŽinventer cette relation ˆ chaque fois. LĠartiste peut ds lors travailler sĠil le souhaite de faon autonome et isolŽe, dans une sorte de laboratoire, ou bien en dŽveloppant des relations avec des populations, des groupes ou des territoires, ces relations venant nourrir le travail lui-mme, ou encore en se nourrissant dĠŽchanges avec lĠŽquipe du lieu, ou dĠautres artistes conviŽs ˆ partager le mme espace. Pas dĠobligation donc, mais un contexte permettant lĠŽpanouissement et la rŽalisation de projets qui, de ce fait, se trouvent en phase avec ceux ˆ qui ils sĠadressent.

 

Nous participons ainsi, au sein d'un tiers-secteur artistique, ˆ l'invention d'un nouveau compromis social permettant d'articuler pour le plus grand nombre trois dimensions liŽes :

-  la possibilitŽ et la capacitŽ pour chacun de mieux participer aux dynamiques d'innovation et de crŽativitŽ, dans lesquelles nous sommes collectivement entrŽs, mme si ces dynamiques impliquent un dŽveloppement conjoint de formes intensives et diverses de flexibilitŽ ;

- la nŽcessitŽ complŽmentaire absolue que chacun puisse disposer d'une sŽcuritŽ individuelle et professionnelle minimale, socialement garantie tout au long du parcours de vie, sans laquelle l'injonction d'innovation ne peut tourner pour le plus grand nombre qu'au dŽsastre d'une dŽstabilisation et d'une dŽstructuration constamment subies ;

- lĠimpŽratif induit que les richesses et les diverses valeurs ajoutŽes produites par la sociŽtŽ d'innovation / flexibilitŽ soient plus socialisŽes, une rŽpartition bien moins inŽgalitaire de ces richesses entre tous Žtant un des ŽlŽments indispensables pour atteindre ˆ un nouveau compromis social global.

 

 

b )  EsthŽtique et processus

 

LĠart est au cÏur de nos projets, lĠart comme expŽrience sensible. Or, on ne nous propose plus que de lĠart ˆ contempler, respectueusement, religieusement. Cet art lˆ produit encore, parfois, de beaux objets, mais il a perdu toute valeur. Il nous faut retrouver la valeur de lĠart.

 

Si nous affirmons sa primautŽ dans nos pratiques, nous nous dŽmarquons d'une conception par trop linŽaire de l'art, qui tient pour essentiel et fondateur le geste singulier de l'artiste produisant une Ïuvre originale, ˆ faire ensuite conna”tre au plus grand nombre. Nous mettons plut™t lĠaccent sur une conception hŽtŽronome de l'art, o sont simultanŽment ˆ prendre en compte, en mme temps que lĠaspect esthŽtique, les dimensions conviviale, sociŽtale, culturelle, politique, etc., des processus artistiques. Nous concevons les dŽmarches artistiques comme des parcours relationnels qui renouvellent nos modes de symbolisation et de socialisation. Si lĠŽprouvŽ sensible, les vŽcus esthŽtiques activŽs, qui restent pourtant ouverts ˆ des motivations existentielles et sociales autres que strictement artistiques, restent centraux, la polarisation est renforcŽe sur la participation et la rŽception artistiques, lĠimportance est redonnŽe ˆ une vraie dialectique entre dimension individuelle et dimension collective, ˆ des questions telles que "qu'est-ce qu'on donne ˆ vivre comme expŽrience esthŽtique aux gens ?", "comment intgre-t-on les capacitŽs d'apprŽciation et de jugement artistique des "non- artistes", la culture vŽcue dont ils disposent dŽjˆ ?".

 

Nos projets artistiques combinent nŽcessairement et sans a priori de hiŽrarchisation, mais en tentant dĠen renouveler les enjeux, une pluralitŽ de modes d'activitŽ : production et diffusion de spectacles ou d'ŽvŽnements, action culturelle et territoriale en relation directe avec des populations particulires, formation amateur et transmission professionnalisante de savoirs et savoir-faire, mise en dŽbat par l'artistique de questions culturelles, sociŽtales et politiques. Nous privilŽgions des initiatives qui touchent des segments de population jusquĠici plut™t exclus de lĠoffre culturelle traditionnelle (habitants des quartiers "sensibles", du milieu rural, etc.), en lien avec les politiques de la ville. Par lˆ mme, une grande importance est accordŽe ˆ l'invention de projets artistiques au contact direct et avec des populations situŽes (sociologiquement ou/et territorialement).

 

Nous dŽveloppons aussi la co-gŽnŽration des processus artistiques par des artistes professionnels et d'autres acteurs sociaux, la production d'une manifestation ou d'une Ïuvre artistique matŽrialisŽe apparaissant plut™t comme un moyen pour scander ce type de dŽmarche.

 

Au sein du thme de l'interdisciplinaritŽ, nous prenons en compte les spŽcificitŽs des divers modes d'expression artistique, ainsi que la question de ce qui reste pertinent dans la diffŽrenciation historique des formes et modes d'expression artistiques.

 

Nous insistons enfin sur la transversalitŽ entre les disciplines artistiques. A une transversalitŽ de "juxtaposition" o les artistes travaillent ensemble mais restent chacun dans leur domaine propre, nous prŽfŽrons une transversalitŽ de "contamination" o les diffŽrentes disciplines se nourrissent les unes des autres et o leurs frontires tendent ˆ se recomposer.

 

c )  Partenaires, territoires et dŽcentralisation

 

L'initiative de la sociŽtŽ civile et des acteurs indŽpendants est essentielle dans le dŽveloppement de l'action artistique et culturelle. Le champ artistique et culturel est en interaction avec d'autres champs : amŽnagement du territoire, politiques de la ville et des pays, Žducation et loisirs... La mise en place d'une concertation vraie et pŽrenne avec les reprŽsentants institutionnels de ces secteurs est impŽrative.

 

A c™tŽ d'une participation ˆ l'effort de dŽmocratisation de la culture qui reste l'enjeu central des Žquipements artistiques relevant des CollectivitŽs publiques, prioritŽ est donnŽe aux actions de dŽmocratie culturelle, gr‰ce ˆ une prŽsence active et ramifiŽe dans les territoires et au contact des populations qui permet d'inventer avec ceux-ci une approche bien plus interactive de l'art, et plus largement, des pratiques artistiques o peuvent s'impliquer un plus grand nombre.

 

Notre conception est celle dĠun champ artistique non limitŽ aux disciplines artistiques traditionnellement valorisŽes, et qui travaille ˆ l'extension des relations entre lĠart et les populations - ˆ lĠŽcole, dans les h™pitaux, les prisons, les banlieues et quartiers dŽfavorisŽs -, qui implique elle aussi une relation autre aux collectivitŽs publiques.

 

Nous accueillons des Žquipes artistiques qui manquent de lieux de fabrication, mais aussi d'implantation provisoire ou plus longue sur un territoire donnŽ. Au-delˆ, lĠaccent peut-tre mis, lors de ces accueils, sur de nouvelles et diffŽrentes relations avec les populations, plut™t que sur la simple fabrication artistique ou diffusion culturelle. De mme, nous dŽveloppons les jumelages, non plus formels mais concrets et pratiques entre Žquipes artistiques franaises et Žtrangres, que ce soit au titre du projet artistique d'ensemble ou au niveau des projets plus ŽlŽmentaires. Nous insistons aussi sur lĠimportance des rŽsidences en France et ˆ lĠŽtranger, sur l'association forte entre Žquipes artistiques sur des pŽriodes de plusieurs annŽes.

 

Tenant ˆ prŽserver cette tension irrŽductible entre enjeux locaux, nationaux et internationaux, nous nŽgocions de faon permanente avec les diffŽrentes CollectivitŽs publiques concernŽes mais aussi, nous en appelons ˆ toutes les forces instituantes (professionnelles ou non), et notamment celles qui, aux marges de lĠinstitution traditionnelle, posent les jalons de nouvelles politiques artistiques, de nouvelles et autres relations avec la population.

 

d )  Gestion, management et fonctionnement gŽnŽral

 

Notre Žconomie, prŽcaire de fait et non par choix, est caractŽrisŽe par une mixitŽ entre :

- une initiative et un mode de gestion privŽs (dont associatifs) garants de lĠindŽpendance des projets ;

- une forte dŽpendance ˆ l'Žconomie redistributive administrŽe (aides directes des CollectivitŽs publiques, aides liŽes ˆ la solidaritŽ nationale et interprofessionnelle, exemption partielle de certaines charges) ;

- une mobilisation d'ŽlŽments de l'Žconomie de rŽciprocitŽ (dont les implications bŽnŽvoles ou les Žchanges de services non monŽtaires).

 

Nos organisations et projets relvent donc d'un tiers-secteur artistique, spŽcifique et ne pouvant tre rŽduit ni ˆ une simple dynamique d'entreprises artistiques d'initiative privŽe et relevant avant tout d'une Žconomie de marchŽ, ni au dŽveloppement et ˆ la gestion d'Žquipements relevant surtout des CollectivitŽs publiques.

 

DŽfendant une primautŽ de la notion gŽnŽrique de projet de dŽveloppement artistique et culturel, en lien avec des populations ou des territoires situŽs, nous dŽsirons assurer une dynamique de dŽveloppement culturel selon des objectifs clairs et non pas "bricoler" une continuitŽ de gestion des Žquipes ou Žquipements. La notion de "chef de file" pour la coordination des projets ŽlŽmentaires complexes ou du projet gŽnŽral est aussi essentielle.

 

La multi-activitŽ est constitutive de nos organisations et projets, avec la nŽcessitŽ induite de disposer de compŽtences plurielles et toutes indispensables. Une centralitŽ est accordŽe aux diffŽrentes formes de relation de service dont la coordination seule permet la rŽalisation des projets. Une efficacitŽ simultanŽment artistique et sociale est revendiquŽe. Pour nous, tout cela participe d'un tiers-secteur ˆ considŽrer comme un vŽritable monde de l'art particulier, o un pŽrimtre Žlargi de compŽtences doit pouvoir tre prŽservŽ, tout comme une porositŽ d'accs ˆ la professionnalitŽ dans la mesure o les vrais savoir-faire se constituent surtout par accumulation progressive et successive d'expŽriences.

 

LĠŽgalitŽ de traitement est nŽcessaire, sur le plan des principes comme des moyens affectŽs, entre une pluralitŽ de fonctions constitutives : action culturelle et relation ˆ la population, production crŽative, diffusion artistique, formation, dŽbat et organisation d'ŽvŽnements collectifs, ˆ partir d'un projet global.

 

La complexitŽ des t‰ches ˆ gŽrer et ˆ coordonner implique de plus en plus des modes de fonctionnement o nous partageons l'autoritŽ et la dŽcision, o la capacitŽ d'inventer des articulations et des compromis devient un savoir-faire collectif incontournable. De lˆ, appara”t  lĠimportance de lĠŽquipe artistique, constituŽe d'une pluralitŽ de compŽtences (y compris celles qui ne sont pas directement artistiques), engagŽe dans une dŽmarche collective partageant un mme objectif sur une pŽriode dŽterminŽe. Il y a donc une prise de distance avec lĠidŽologie ancienne du "crŽateur", ou du ÒdirecteurÓ seul ma”tre ˆ bord.

 

Nous dŽveloppons des outils de gestion mutualisŽe entre projets ou organisations artistiques, par exemple sur le plan des investissements matŽriels, du partage de l'information et des savoir-faire, de la mise en place d'Žpargne et de crŽdits-relais mutualisŽs, d'emplois mutualisŽs sur plusieurs organisations... Nous utilisons enfin une comptabilitŽ analytique lisible, permettant d'avoir une prŽsentation et un suivi budgŽtaire effectif de la pluralitŽ des actions constitutive du projet gŽnŽral, comme de celui-ci dans sa globalitŽ.

 

 


3/ CONCLUSION ET PROPOSITIONS COMPLEMENTAIRES

 

LĠessentiel est bien pour nous l'art en train de se faire, lĠexpŽrience de lĠart et non plus seulement le savoir de l'art ou l'accs ˆ l'oeuvre. Ce qui importe, c'est plut™t l'oeuvre en cours, en parcours, qui nŽcessite des allers-retours dans les processus de rŽalisation ou de fabrication afin de s'ajuster ˆ ses objectifs, ˆ savoir s'ancrer dans monde (quartier, gens ou la sociŽtŽ en gŽnŽral etc...) ou dans les communautŽs spŽcifiques dans lequel lĠart interagit (Žcole, prisons, hopitaux, comitŽs d'entreprise, etc...).

 

Il est donc question, pour agir sur des populations, de dŽvelopper des dynamiques, crŽer des situations, des expŽriences,  qui permettent de :

- rŽ-animer des soifs de curiositŽ, de comprendre, d'apprendre ;

- bousculer les idŽes reues, dŽcaler les contextes habituels, pour recrŽer des dialogues et des Žchanges, relancer des perspectives ;

- relier ce qui, dans le quotidien du territoire, lui est spŽcifique, sa culture, ses habitudes de comportement, de circulation, de contact avec les "autres"É ;

- redonner le sentiment quĠil est possible de changer son quotidien ;

- rŽveiller des dŽsirs, donner de la confiance en soi, de la force, de la beautŽ rŽveiller ce qu'il y a de plus humain en nous pour nous donner envie et imagination.

 

a) ModalitŽs et accents particuliers

 

Il nĠest pas question dĠimaginer un programme d'activitŽs ou d'actions mais de crŽer un dispositif qui permette d'Žcouter et de rŽpondre aux besoins d'Žlaboration de cet art-lˆ, ˆ savoir :

 

- nŽcessitŽ de temps de recherche ;

- nŽcessitŽ de confrontations, dĠŽchanges, de partage du sens ;

- nŽcessitŽ de lieux de travail personnels et partagŽs ;

- possibilitŽ de rŽpŽtitions publiques ˆ un stade donnŽ ;

- possibilitŽ dĠateliers de pratiques ;

- recherche de liens avec d'autres artistes, avec des associations de terrain ;

- recherche de liens avec des chercheurs qui donnent des perspectives sociŽtales ;

- accs ˆ des ressources diverses (sur d'autres recherches en cours artistiques ou non, sur des outils techniques, des matŽriauxÉ) ;

- besoin de parler de son travail, avec des artistes, des publics, des professionnels ;

- besoin de s'exposer, de se connecter du local ˆ d'autres localitŽs dans le monde

 

et... nŽcessitŽ d'explorer tout ce que cela draine en pŽriphŽrie : urbanisation, architecture, Žducation, expŽriences "professionnalisantes", lien avec d'autres structuresÉ

 

Le rŽsultat, c'est autant tout ce qu'a drainŽ l'acte en train de se faire que le produit final, qui devient ainsi une Ïuvre "complte", porteuse du symbole de tout ce processus de transformation, et dans lequel chaque participant va, ˆ sa mesure, se retrouver.

 

NĠoublions pas que le champ dĠexpŽrience, le champ dĠaction de ces projets est d'abord la proximitŽ. 

 

Nous sortons donc d'une logique du rŽsultat qui serait rŽduite ˆ (ou dont l'intŽrt principal serait) une production en soi musŽale ou ˆ collectionner ou de spectacle vivant avec en face un nombre de visiteurs ou de spectateurs ˆ mesurer, pour une logique de rŽsultat qui serait d'agir pour crŽer du dialogue, des liens, des imaginaires, des actions pour "changer", pour apprendre.

 

Les Ç mots-rŽfŽrences È pourraient ici tre :  le quotidien, le permanent, pourquoi pas l'ŽvŽnement (ou le festival mais dans la mesure o on peut l'utiliser pour changer le quotidien), la transmission, la transformation des attitudes, la recherche, le travail sur la durŽe, lĠŽchange (de pratiques et de savoir faire), la mise en rŽseau, la mise en commun (de bonnes pratiques, de choses apprises)É

 

Cette rŽalitŽ contemporaine est l'expŽrience qui, pour lĠinstant et pour les annŽes ˆ venir, va redonner une place importante ˆ l'art et la culture dans la sociŽtŽ. Pour rŽpondre ˆ cela, nous demandons ˆ la puissance publique de changer de systme de mesure et de mŽthode qui ne soit pas la conception d'un programme tout fait mais la capacitŽ ˆ entendre et ˆ rŽpondre ˆ ce qui n'est pas directement mis en place par elle mme, dans la mesure o ces actions remplissent une mission publique souhaitŽe par la puissance publique

 

 

b) Autres propositions pour l'intervention publique

 

Nous attendons du Ministre un soutien financier ˆ la hauteur des enjeux et des missions que nous dŽfendons : soutien ˆ la crŽation contemporaine, rŽsidences d'artistes, permanence artistique, dŽveloppement culturel mieux rŽparti sur le territoireÉ

 

Cette politique nationale doit tre affirmŽe par une Directive Nationale d'Orientation afin que les prŽfets et les DRAC apprŽhendent bien l'accompagnement de nos projets comme une prioritŽ gouvernementale en matire culturelle et que les moyens financiers dŽcidŽs en "centrale" ne se dissipent pas dans la globalisation des crŽdits des DRAC.

 

De nouvelles mŽthodes d'Žvaluation doivent tre pensŽes pour permettre l'apprŽciation des projets artistiques et culturels. Une approche transversale et spŽcifique portŽe par les inspections de la danse, du thŽ‰tre, de la musique, des arts plastiques est nŽcessaire en raison de la qualitŽ interdisciplinaire des projets. De mme, les diffŽrents conseillers en DRAC seront associŽs ˆ cette Žvaluation, tout comme doivent l'tre les services culturels des collectivitŽs partenaires.

 

Mais il ne saurait y avoir d'Žvaluation sans une contractualisation prŽalable avec une dŽfinition prŽcise de projets assortis d'objectifs, de cahiers des charges et de moyens inscrits dans la durŽe. Cette contractualisation doit associer les porteurs de projets, l'ƒtat et les collectivitŽs territoriales pour un conventionnement pluriannuel garant de la pŽrennitŽ des projets.

 

Dans le cadre dĠune culture de partenariat entre les institutions, les porteurs de projet, les populations, culture qui reste ˆ construire et ˆ dŽvelopper, nous souhaitons Žvoquer les projets tels quĠils sont, tant dans leurs contenus que dans leurs mode de fonctionnement. Il nous faut inventer avec nos interlocuteurs la forme qui pourra ˆ la fois concilier notre projet/nos projets tel quĠil est/tels quĠils sont et les besoins de lĠadministration. Cette forme issue du travail commun sera le rŽfŽrentiel ˆ partir duquel un systme dĠŽvaluation qualitative peut tre mis en place

 

Plus concrtement, ce rŽfŽrentiel commun pourrait prendre en compte des ŽlŽments indiquŽs par les porteurs de projet tels que : objectifs, descriptifs des actions, personnes concernŽes, calendrier ou points de repres dans le temps, indicateurs dĠŽvaluation, fonctionnement de lĠŽquipe, etc. Ce rŽfŽrentiel serait ˆ articuler avec les politiques publiques de chacune des collectivitŽs. Le Ministre de la Culture et ses services dŽconcentrŽs, les DRAC, seraient les pionniers  de ce mode de fonctionnement et nous aideraient ˆ le transmettre ˆ dĠautres institutions.



[1]  Sous ce terme, que nous rŽsumerons parfois par Espace / projet, nous entendons les types de projets rŽunissant les membres de lĠassociation Autre(s)pARTs, et qui cherchent ˆ construire une nouvelle relation entre lĠart, les territoires et les populations.